« Quelle place prenons-nous ? Comment occupons-nous notre espace ? A qui l’avons-nous cédé ? Qui l’habite ?
Parler de territoire implique d’explorer la place que nous occupons dans celui-ci et ensuite de contempler la manière dont nous l’habitons.
Cette place appartient-elle toujours à nos parents ? L’avons-nous donnée à notre conjoint ou conjointe ? Appartient-elle à nos enfants ? Ou cédons-nous notre place devant le chantage d’une amie ou d’un ami ?
Nous sommes-nous fait tout petit devant les exigences de notre travail ?
Impossible de guérir, de nous sentir bien dans notre peau sans occuper notre territoire. Sans nous donner une place dans notre vie. La juste place.
Il ne s’agit pas de se barricader pour protéger notre territoire, de s’enfermer dans nos murs corporels, émotionnels ou spirituels ; ce serait se cuirasser et s’isoler des autres.
Ce serait s’isoler de la vie, de l’amour dans une cuirasse de protection verrouillée à double tour.
Il s’agit de défendre notre intégrité physique, sexuelle, émotionnelle et spirituelle. De défendre nos valeurs, nos idéaux et notre spécificité d’être humain pensant, aimant et libre.
La façon dont j’occupe mes espaces intérieurs conditionne mon occupation de l’espace extérieur. »
En cette période de confinement, la notion de territoire est plus que jamais d’actualité.
Dans mon livre, Blessures de vie: se libérer des chaînes du traumatisme, je décris ces territoires comme faisant partie de notre essentiel d’humain.
Essentiels parce qu’ils appartiennent à nos besoins de se sentir exister et respectés dans notre intégrité et dans nos valeurs, qu’elles soient physiques, mentales ou affectives.
Notre corps devient cet espace qu’il faut protéger non seulement du virus mais aussi des autres. Il nous faut apprendre à maintenir une distance pour éviter le risque de lui imposer une épreuve qui pourrait s’avérer fatale.
Notre territoire mental s’affole, les croyances que l’on croyait bannies de notre esprit refont surface. Cette situation nous amène à devenir méfiant, suspicieux lorsque l’on s’approche d’un peu trop près. L’ennemi c’est l’autre, mon voisin, mon collègue, mes amis et mes proches.
Notre territoire affectif est mis à mal par la distance imposée. Pour certains les jours se vident de leur sens. Comment vivre séparé de mon ami ou amie, comment vivre la distance avec mes enfants ou petits-enfants ?
Pour beaucoup de personnes il y a un sens à trouver dans ces instants d’éloignement : comment se sentir utile sans son travail, comment ressentir la chaleur du sourire d’un ami ou d’une amie, comment vivre ses journées dans son rôle de père ou de mère lorsque les enfants ont quitté la maison, ou dans le rôle de grands-parents ?
En me promenant sur les réseaux sociaux, je lis que ces moments sont propices au recentrage, que pour ne pas céder à la panique il nous faut œuvrer au retour vers soi.
Mais comment ne pas tomber dans le désarroi quand toute notre vie s’est remplie de la dépendance à la présence et au regard de l’autre ? Quand la reconnaissance de notre valeur, de notre existence même, c’est à l’extérieur et au travers de l’autre qu’on la recevait ?
Le moment est venu de se poser la question : qui suis-je et quel sens a ma vie sans l’autre ?
Et cette question est essentielle, sous peine de transformer l’opportunité qui nous est donnée de faire le chemin vers soi en repli sur soi-même.
Se recentrer, c’est offrir une ouverture à notre monde intérieur. C’est explorer nos besoins, des plus fondamentaux, propres à la survie, jusqu’aux plus élevés qui donnent un sens à cette épreuve.
– J’ai besoin que l’on m’écoute et je m’apporte cette écoute, que ce soit dans la méditation ou dans un temps d’écriture de cette partie de moi qui a besoin d’être entendue.
– J’ai besoin de recevoir de l’affection, de sentir mon corps être touché et je m’occupe de mon corps, je le masse avec une crème parfumée ou simplement je le caresse avec douceur.
– J’ai besoin que l’on m’aide à calmer l’angoisse que cette situation me fait ressentir et, si je peux sortir hors de chez moi, je prends le temps de contempler la nature. Je profite de ce temps donné pour faire des visualisations de bien-être, pour laisser une plus grande part à des activités créatrices.
Ce projet de m’initier au dessin, à l’écriture, à me mettre à l’exercice physique, c’est le moment de le réaliser.
Instaurer ces espaces d’écoute de soi en y ajoutant ces moments de ressourcement va nous aider à traverser ces semaines à venir avec plus de présence à soi et à garder confiance.
Nous avons, pour certains, l’impression que nos vies se sont arrêtées, qu’elles se sont gelées, paralysées par l’inquiétude et l’angoisse de manquer ou d’être affectés par la maladie. C’est un hiver émotionnel que nous traversons en ce moment, mais soyez certains, comme pour la nature qui continue dans la profondeur de la terre à œuvrer pour la vie, qu’un jour le printemps fleurira à nouveau et que nous pourrons goûter aux fruits de notre transformation.
Je vous souhaite de vivre de belles rencontres dans votre chemin vers votre essentiel.
Vincent Aveni